Cet échange eut lieu en septembre 2005 entre l'auteur du site :
 http://www.suaire-science.com/  et moi-même 


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Le Dimanche 18 septembre 2005

Suaire-science : Vous ne serez pas étonné que, en toute amitié, je ne sois d'accord ni sur vos affirmations religieuses, ni sur votre méthode de réflexion et bien sûr sur vos conclusions.

En quelques mots, voici mes critiques :

1) au plan religieux : même si manifestement vous avez fait des recherches sur Jésus, ses disciples et le contexte historico-religieux et si certains détails que vous donnez sont exacts, la théorie sous-jacente d'ensemble me semble quelque peu "orientée".

- L'image que vous donnez du Christ par exemple n'est absolument pas celle des évangiles qui est la seule source fiable que nous ayons (je n'entrerai pas dans les détails ici)

Mes commentaires : Source fiable !? Mais les évangiles sont tout sauf une source fiable. Je suis de ceux qui considèrent les évangiles comme un ensemble de montages théologiques visant à donner au personnage de Jésus le statut de messie et qui en ce sens vise le même objectif que le linceul. Vous savez que certains vont plus loin en déclarant que les écrits ne sont que pur mensonge et que Jésus n'a jamais existé. Je pense quand à moi qu'un grand leader a bien vécu à cette époque et qu'il eut une fin tragique mais je ne peux pas comprendre que des gens avec une formation scientifique comme c'est votre cas puissent encore prendre les évangiles pour "parole d'évangiles".

- la foi en la Résurrection ne repose absolument pas sur le tombeau vide (qui est plutôt une question) mais sur le témoignage des apôtres qui affirmeront l'avoir vu vivant (et vivant sur un mode très différent de celui de sa vie terrestre) après sa mort. Ces mêmes apôtres mourront, pour beaucoup, sous la torture pour maintenir ce cœur de la foi nouvelle. Quant à Paul, persécuteur des chrétiens, vous savez ce qu'il en est...

Comment continuer à soutenir ces fables quand on a vos connaissances !? Les esséniens affirmèrent la même chose après la mort de leur "Maître de justice" un siècle plus tôt et les disciples de Jésus n'eurent qu'à reprendre la pensée et la rhétorique de cette secte à leur compte pour l'appliquer à Jésus. (Voir au chapitre 3 à partir d'"Influences et alliances de Jésus")

- votre hypothèse repose sur une sorte de "théorie du complot" (traiter Jésus de manipulateur est pour moi inacceptable, soit dit en passant) des "amis" de Jésus et vous cherchez qui sont ces "manipulateurs". Leur but aurait été de maintenir la croyance que Jésus aurait été le Messie, malgré les évidences apportées par la fin ignominieuse de la croix.

Quelles évidences ? De quoi parlez-vous ? Les fins ignominieuses feraient-elles des victimes des Messies ? Votre remarque m'échappe

Non seulement rien, absolument rien dans les textes ne vient apporter le plus petit soupçon de commencement de preuve, mais bien plus cette théorie va à l'encontre de tout ce que l'on peut imaginer, à partir des sources, de l'état d'esprit des disciples quels qu'ils soient

Bien entendu, mais de quels disciples parlez-vous ? Si ce sont des apôtres tels qu'ils nous sont dépeints dans les évangiles, je suis d'accord avec vous mais ce ne sont pas de ces disciples là que je parle, je pense avoir été clair la dessus au chapitre 3: "Hypothèse des alliés de Jésus" et "Être ou ne pas être ,"

. Ils étaient abattus, perdus et ils n'allaient pas monter un coup pour quelque chose en quoi ils ne croyaient plus. Ils n'avaient rien compris aux annonces de Jésus sur sa mort et sa Résurrection et le concept-même de résurrection, telle qu'elle a eu lieu, leur était totalement étranger. Comment imaginer qu'ils aient pu le mettre en scène.

Lisez bien mes écrits à partir du chapitre 3 : "L'enlèvement" c'est exactement de ça que je parle.

Après tout il y avait en Palestine vers l'époque du Christ beaucoup de "faux messie".

Ils étaient assurément moins bien secondés et beaucoup moins doués que Jésus et ses adeptes pour ce que nous appellerions aujourd'hui "les techniques de communication" - voir chapitre 3 : "Être ou ne pas être" , "Les miracles" et "Une alliance d'intérêts communs"

Que sont devenus leurs disciples : le plus souvent ils sont morts ou se sont dispersés, parfois ils sont restés regroupés en cultivant la mémoire du chef mais jamais rien qui ressemble à un commencement de religion ni d'histoire de résurrection ou survie. Le cas chrétien est unique sous bien des aspects.

Oui et ils firent cela parce qu'ils furent très rapidement persécutés par les romains et rejetés par la communauté juive. Voir au chapitre 3 : "Pourquoi le linceul ne fut-il pas exploité politiquement ?" Vous verrez également dans mon texte que je fais bien la différence entre les disciples mystiques de Jésus et ses alliés politiques. Ouvrez les yeux ! Jésus ne fut qu'un gourou comme les autres mu par de triviales ambitions politiques. Aujourd'hui encore, après le siècle des lumières, l'éducation pour tous et la somme considérable de connaissances que nous avons accumulées sur le monde et sur l'univers, sectes et gourous de tout poil fleurissent plus que jamais et restent capables de manipuler des milliers de gens en leur faisant faire et accepter n'importe quoi !!! Écoutez donc les témoignages des anciens adeptes qui réussissent à se sortir de leur secte, écoutez-les raconter ce que leur gourou a été capable de leur faire croire et accepter. Regardez ces jeunes gens éduqués pour la plupart qui se font exploser dans une foule d'innocents ou se jettent sans hésiter avec des avions contre de nouvelles tours de Babel. Tous les gourous manipulent leurs adeptes en s'appuyant sur des gens dont le travail consiste à tout faire pour que le système fonctionne. Certes, l'image de Jésus que nous renvoie les évangiles est altruiste et généreuse mais pour reprendre vos propres paroles "absolument rien dans les textes ne vient apporter le plus petit soupçon de commencement de preuve" que Jésus était bien ce que les évangélistes nous disent de lui. Et quand je parle des textes, je ne veux bien entendu pas parler des évangiles mais de textes non chrétiens qui parleraient de Jésus. Rien ! Rien dans l'histoire en dehors des évangiles ne présente le plus petit morceau de preuve de son existence et cela c'est un fait que vous ne pouvez nier ou ignorer. L'autre fait c'est que si Jésus était un homme et non fils de dieu il ne reste plus que deux alternatives pour cerner sa personnalité : soit il était schizophrène et probablement manipulé par ses alliés, soit il était mu par une gigantesque ambition politique que ses alliés travaillèrent à satisfaire pour finalement échouer. De cela aussi j'en ai parlé au chapitre 3 dans "Être ou ne pas être ?".

Un autre fait est que si le suaire est bien du 1er siècle comme la vanilline de Rogers semble le suggérer il n'y a ici encore que deux alternatives possibles : soit sa formation est miraculeuse et elle prouve la nature divine de Jésus, soit c'est un faux du 1er siècle et dans ce cas mon scénario devient la meilleure tentative d'explication actuellement proposée. Il est vrai que Rogers croyait à une troisième possibilité : le phénomène naturel, mais c'est absurde et j'en parle plus bas.
 
Pour résumer et selon un métaphore policière : aucune preuve d'un complot, aucun mobile valable, une psychologie des protagonistes supposés à l'opposé de celle de comploteurs, un contexte historico-religieux qui rend impossible l'idée-même d'une telle manipulation.

Ce que vous défendez là se fonde encore une fois sur la croyance en ce que j'appellerais "la parole d'évangiles". Les manuscrits de Qumrân, vous le savez, ont porté un sacré coup à cette croyance en démontrant que le christianisme qui s'est toujours présenté comme un surgissement entièrement nouveau n'était qu'une adaptation presque à l'identique d'une pensée essénienne déjà vieille de plus d'un siècle à l'époque. Les évangiles, je le répète, sont un montage théologique qui, dans la plus pure tradition midrashique juive, ne recherche absolument pas la vérité historique mais seulement théologique. Les premiers chrétiens étaient au tout début une secte juive tout comme les esséniens. Ce n'est qu'à cause des persécutions et après la fuite hors d'Israël qu'ils se sont mis à accepter dans leurs rangs des non juifs et que Paul a commencé à institutionnaliser cette branche du judaïsme en nouvelle religion. Par la suite les premiers écrits évangéliques qui ne sont apparus qu'après la guerre avec les romains en 70 et la destruction du temple et des archives qu'il renfermait ont cherché non à justifier la pensée chrétienne auprès des autres juifs dont ils étaient déjà séparés mais bien à adapter cette croyance au monde romanisé qui était désormais celui avec qui il fallait compter. Pour ce faire, ils ont transformé Jésus, du rebelle anti romain qu'il était, en doux agneau venant pour sauver tous les hommes y compris les romains, romains qu'ils se sont attachés à disculper du péché de déicide pour le faire endosser aux juifs avec les conséquences que l'on sait pour la suite et notamment au XXè siècle. Ce n'est pas moi qui dit cela. C'est une réalité connue et reconnue qui prouve à elle seule le montage théologique et politique des évangiles dont encore une fois je m'étonne qu'un esprit scientifique comme le votre puissent encore aujourd'hui vouloir rester dupe.

b) au plan technique :

Finalement, votre seul argument à l'appui du faux du 1er siècle plutôt que du 13ème ou 14ème serait que, puisqu'il fallait bien un corps de crucifié et qu'on n'en n'avait pas au 13ème, il est probable qu'il soit du 1er siècle. Un peu insuffisant à mon avis. Je passe sur la technique utilisée pour obtenir l'image dont beaucoup
d'étapes me semblent invraisemblables au niveau des connaissances nécessaires (chauffage d'une statue agrémenté d'amines etc..)

C'est la moins invraisemblable des tentatives d'explication actuelle. Tout y est techniquement compatible avec le 1er siècle. Tout y est également pensé pour que la totalité des nombreuses caractéristiques du linceul puisse en découler. 

c) au plan de la méthode :

Manifestement, votre long préambule historico-religieux (d'ailleurs fort intéressant bien qu'orienté) m'incite à penser que le suaire est pour vous (comme pour d'autres qui veulent prouver la Résurrection) un moyen de prouver l'absence de Résurrection : c'est ce que l'on appelle de la recherche "orientée".

Je me suis juste demandé s'il y avait dans l'histoire une époque et des circonstances qui auraient pu expliquer l'apparition de cet objet impossible. Mon but ne fut pas de prouver la mort définitive de Jésus mais d'essayer d'expliquer la création du suaire (dont Rogers a relancé l'idée, grâce à la vanilline, qu'il était beaucoup plus vieux que le moyen-âge) en me fondant sur un scénario plausible avec des procédés et dans un monde rationnel. Je l'ai écrit dans mon site, je persiste et enfonce (si j'ose dire !) le clou : Le st suaire est un objet impossible tant sur le plan technique qu'historique quelle que soit l'époque où on envisage sa fabrication par un faussaire sauf au 1er siècle par des alliers de Jésus utilisant son cadavre pour fabriquer une preuve matérielle de sa résurrection à des fins politiques. 

La recherche "non-orientée" s'intéresse d'abord à l'objet en lui-même. Elle essaye, sans idée préconçue, de lui faire dire tout ce qu'elle peut dire et ensuite d'en tirer des hypothèses plausibles, compatibles avec l'état du savoir, et de les tester c'est à dire de faire des prédictions testables et réfutables.

Pour tester et réfuter il faut avoir accès à la chose étudiée. Ce n'est pas mon cas et encore une fois ma démarche n'est pas à proprement parlé scientifique. Vous me faites un procès qui ne me concerne pas. Je n'aurais jamais l'occasion d'étudier physiquement le suaire. Je ne peux donc pas partir de l'objet mais des idées, des hypothèses et des théories en un mot du matériel des autres pour échafauder mon scénario. C'est aux autres, scientifiques et historiens, de faire ce travail de tests et de réfutation à partir de mon scénario, pas à moi.

En résumé :

1) vous croyez que le suaire peut prouver la non-résurrection du Christ

2) il faut donc que l'image soit bien celle du Christ lui-même (le suaire est donc du 1er siècle) et que le suaire soit un faux

3) Puisque faux il y a, vous supposez, sans le plus petit commencement de preuve, un "complot" de l'entourage

4) Pour obtenir une telle image, le suaire a forcément été préparé bien avant : c'est un exemple de science orientée: 

Non, c'est juste un scénario et un scénario, c'est par définition orienté. Que dire alors de votre croyance dans les évangiles !? En fait, j'ai fonctionné à l'envers de ce que vous croyez mais j'en ai déjà parlé plus haut.

pour coller à votre scénario il "faut" que le suaire ait été préparé à l'avance. A partir de là vous faites un certain nombre de propositions invérifiables pour justifier ce fait. Et puisque le suaire a été préparé à l'avance, c'est donc bien qu'il y a eu complot : CQFD ! Vous faites donc un raisonnement circulaire basé sur une série d'hypothèses invraisemblables et invérifiables.

La vraie science opère différemment : elle étudie le suaire; si elle trouve des éléments indiquant une "préparation" spéciale elle s'interroge sur les raisons. Elle peut par exemple émettre l'hypothèse que le suaire a été fait dans un but particulier, par exemple pour être capable de créer, dans certaines conditions, l'image. Mais elle émet aussi d'autres hypothèses possibles (pour une meilleure conservation du corps etc.); Elle recherche des éléments historiques, chimiques et autres venant corroborer ou infirmer toutes les hypothèses (à charge et à décharge).

Ce simple exemple pour vous montrer comment, à mon avis, vous raisonnez et pourquoi ce raisonnement n'est pas acceptable.

Merci de m'expliquer comment la science fonctionne mais je vous répète que je ne suis pas scientifique et que c'est aux scientifiques et aux historiens de travailler à me contredire ou à confirmer mes hypothèses. Nul n'a raison de rejeter à priori une idée nouvelle parce qu'elle dérange.

5) Il faut enfin une série de prouesses techniques, pour obtenir l'extraordinaire image avec toutes ses propriétés. Encore une fois votre raisonnement est "à l'envers" : il vous faut la tridimensionnalité : la technique doit donc être telle ou telle et ainsi de suite. Une fois encore, au delà même de l'invraisemblance compte-tenu des connaissances techniques de l'époque, votre erreur consiste en ce que vous construisez votre scénario pour qu'il colle aux propriétés observés. C'est le contraire de la démarche scientifique et c'est aussi l'erreur la plus fréquente de beaucoup de "sindonologues" comme des "sceptiques".

N'étant pas chimiste, je ne suis pas arrivé à "jaunir" un linge enduit d'amidon et de saponine avec de l'ammoniaque. Cependant quand j'aurai trouvé une technique qui fonctionne et que j'aurai recréé une image valable, nous reparlerons de "l'invraisemblance" des techniques que j'ai imaginées mais pour l'instant vous allez un peu vite en besogne. Faites moi le plaisir d'admettre que parmi toutes les théories actuellement en vogue et dont certaines sont présentées sur votre site, la mienne est la seule qui tente de prendre en compte toutes les caractéristiques du linceul sans exceptions. Mon seul véritable handicap est mon absolu ignorance en chimie car pour le reste de la technique je sais un peu de quoi je parle, je suis, entre autres spécialités, photographe et sculpteur et j'ai un temps gagné ma vie en tant que mouleur statuaire.

C'est ainsi qu'au final, vous obtenez une théorie "hétérodoxe" qui, excusez-moi, ressemble à beaucoup de "théories" en vogue (cela me fait irrésistiblement penser au "Da Vinci Code") prétendant dévoiler enfin la vérité au monde trop longtemps trompé par les tenants de l'obscurantisme...

S'il vous plaît, ne faites pas l'injure à Rogers de laisser penser qu'il aurait compris "la vérité" (la votre) et se serait refusé à la diffuser. Rogers était un vrai scientifique totalement étranger à une approche non-scientifique et supportait mal ceux qui pensaient "prouver" la résurrection avec le suaire; Symétriquement votre théorie, non scientifique et, pardonnez moi, orientée (bien qu'ingénieuse...trop sans doute)

Je suis flatté du compliment mais comment peut-on être trop ingénieux ? Y aurait-il un degré à partir duquel l'ingéniosité deviendrait aveuglement ? Il est vrai qu'il est de tradition dans le christianisme de rejeter le savoir et l'ingéniosité quand ils ne vont pas dans le sens du dogme . . .

ne lui est sans doute même pas venue à l'esprit. Non il n'y a aucun complot...seulement des gens qui cherchent à comprendre...plus ou moins sérieusement.

Plus ou moins sérieusement il est vrai !

Laissons svp la foi aux croyants et le suaire à la science, la vraie...

La vôtre je présume ? Le suaire ne vous appartient pas plus qu'a moi. Je vis semble-t-il dans un monde moins hirarchisé que le vôtre . . .

Ni vous ni moi ne pouvons prétendre à la vérité sur une telle énigme, personne ne peut également échapper à "l'orientation" de ses propres réflexions et ce n'est pas le sindonologue que vous êtes qui pourra sérieusement soutenir le contraire. Il me semble que devant les 4 alternatives possibles pour expliquer le suaire : faux du moyen-âge, faux du VIème siècle, vrai linceul prouvant la résurrection et enfin faux du premier siècle induisant par conséquent mon scénario, on est bien obligé de choisir une piste et par conséquent une orientation. Ce sont les chercheurs qui tenteront un jour je l'espère de valider ou de réfuter mon scénarios qui devront savoir rester neutres.

Ce serait une erreur de ranger mon scénario dans une démarche purement scientifique et ça le serait tout autant de le ranger dans une démarche littéraire et commerciale à la Dan Brown. Les assertions du "da vinci code" sont  faciles à démolir et certains l'ont d'ailleurs fort bien fait. Vous avez vous-même brillamment réfuté les élucubrations de science et vie et des zéticiens pendant l'été 2005. Plutôt que de porter l'anathème sur mon scénario avant même de l'avoir lu au prétexte qu'il est "hétérodoxe" il serait plus intéressant et constructif d'en démontrer la fausseté ou l'incohérence mais je pense que ce sera plus difficile que pour le best-seller auquel vous le comparez.

Je suis juste quelqu'un que cet objet impossible passionne depuis des années et qui ne trouve aucun écrit scientifique ou historique sérieux développant ce qui m'a sauté aux yeux quand j'ai découvert les théories de Rogers sur votre site.

Quand Rogers dit que le processus de formation de l'image par la réaction de Maillard doit avoir une explication naturelle, il dit cela au détriment de la plus élémentaire logique. En ne retenant que l'action du hasard dans la formation de l'image il suggère l'intervention de la "providence" dans des proportions qui ne peuvent qu'induire l'idée du miracle. Cela n'a rien de scientifique et c'est, me semble-t-il, une position beaucoup plus orientée que la mienne ! Mon orientation à moi place (je dirais par défaut ou par sagesse) le scénario dans un monde peuplé d'hommes comme vous et moi, avec leur croyances, leurs ambitions politico-religieuses et surtout, dans un monde où les miracles n'étaient pas plus envisageables que de nos jours. On peut toujours voir une orientation dans mes écrits (du moins telle que vous la définissez : faire entrer, si j'ai bien compris, de pseudo preuves comme autant de lentilles faussées dans une sorte de lorgnette dirigée vers un objectif prédéterminé) mais ce n'est pas ce que je fais. Certes je suis athée mais mon scénario s'est imposé sans que je vise ces conclusions. C'est en lisant vos écrits que les théories de Rogers m'ont tout-à-coup permis de faire le lien entre toutes mes connaissances et je n'ai plus eu qu'à coucher le tout sur mon écran d'ordinateur et, du moins au début, seulement pour moi-même.

Votre vision de mon scénario comme de la réalité historique du 1er siècle est, si vous me le permettez, elle aussi des plus orientée et à mon sens, bien plus que la mienne car personnellement je ne m'appuie nullement comme vous le faites sur les évangiles qui sont encore une fois un incontestable montage théologique. Les manuscrits de la mer morte et des auteurs comme Flavius Joseph sont assurément bien plus intéressants.

En résumé, si on se fonde sur les théories les plus fiables des sindonologues, des historiens et des chercheurs (non orientés !) le suaire ne redevient un objet possible que s'il fut fabriqué à partir du corps de Jésus lui-même, et il n'est absolument pas scientifique de l'expliquer par un miracle et je dirais presque encore moins par le hasard.

Très cordialement

cestavoir@free.fr


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SECOND COURRIER de Suaire-science : (en bleu)
le lundi 19 septembre 2005

Suaire-science : Étant très occupé au moins jusqu'à la fin de la semaine prochaine, je n'ai pas en ce moment le temps de vous répondre sur tout. Ca ne serait d'ailleurs pas une bonne méthode de discussion.

Cependant, pour ce soir, je vais me limiter à 3 questions précises. sur lesquelles j'aimerais avoir vos réponses pour éclaircir le débat qui est un peu confus :

1) Vous dites, à juste titre, que votre "théorie" n'est pas scientifique : dont acte.Si elle ne l'est pas, quels "critères de vérité" précis vous donnez-vous ?

Mes commentaires : Très sincèrement je ne sais pas ce que vous mettez dans "critères de vérité". Quels critères de vérité y a-t-il par exemple dans la foi ou dans la confiance aveugle les chrétiens mettent dans les écrits bibliques dont même vous considérez qu'ils sont une source fiable sur laquelle on peut baser des recherches scientifiques ? Autant la foi se fonde sur une sorte d'intime conviction totalement irrationnelle n'ayant pas besoin de preuve, autant ma démarche peut se comparer à celle d'un policier ou d'un journaliste d'investigation qui dans un premier temps échafaude une théorie plausible et ensuite, en suivant son intime conviction et contrairement à un croyant, pousse plus loin son enquête pour découvrir des preuves de ce qu'il avance. La différence (je vous l'assure très frustrante) entre cet enquêteur et moi c'est que, n'étant pas scientifique et n'ayant pas accès à ce qui me donnerait une chance de prouver ce que j'avance, j'en suis réduit à ce scénario. Internet me permettant de le diffuser telle une bouteille à la mer, s'il vient à la connaissance de véritables scientifiques et de véritables historiens, peut-être les incitera-t-il à fouiller en ce sens. Je ne prétends et ne recherche rien d'autre.

En guise de principe de vérité, on pourrait définir trois axes dont je n'ai jamais dévié :

1 - Partir d'hypothèses compatibles avec des circonstances historiques normales. C'est à dire se déroulant dans un monde où les miracles sont impossibles à moins d'être fabriqués, où un homme ne peut être fils de dieu, où dieu n'intervient pas plus qu'aujourd'hui pour changer le cours des choses. Un monde où les hommes (y compris Jésus) sont mus par leur culture propre, leur psychologie et leur personnalité pour agir comme des hommes, c'est-à-dire, par exemple, en luttant physiquement ou politiquement contre des oppresseurs et un pouvoir corrompu. A tout faire pour parvenir à leur fin y compris en manipulant les foules pour provoquer un vaste soulèvement populaire. Des hommes qui peuvent aller jusqu'à croire qu'ils sont vraiment ce qu'ils prétendent être à force d'en persuader les autres. Bref un monde humain peuplé d'hommes et non de dieux.

2 - Imaginer une technique de fabrication compatible avec l'époque et capable d'expliquer toutes les caractéristiques si nombreuses et particulières du linceul.

3 - Tenter d'expliquer les motivations de ces gens en replaçant les événements dans ce que nous savons de cette époque et non dans ce que nous en disent les évangiles.

2) Votre théorie du faux du 1er siècle nécessite bel et bien une hypothèse du "complot" ou, si vous préférez de la "manipulation" (je regrette mais, encore une fois, Dan Brown n'est pas loin...).

Avez-vous un début de preuve dans un quelconque écrit de l'époque ? Sinon, sur quels arguments (en quelques lignes svp) vous appuyez vous pour donner un début de vraisemblance à cette idée ?

L' hypothèse des disciples est très largement développée sur mon site au chapitre 3 à partir de : "Hypothèse des alliers de Jésus".

Rappelez-vous seulement de ce que les pharisiens, les prêtres et les membres du sanhédrin disaient de Jésus. Ils le traitaient d'imposteur et ses miracles ne les impressionnaient nullement. Quant aux romains ils ne virent en lui qu'un fauteur de troubles comme tant d'autres qui visaient à l'époque les mêmes objectifs politiques, à savoir : soulever le peuple pour renverser le pouvoir illégitime en place depuis plus d'un siècle, chasser les romains et monter sur le trône de David dont Jésus prétendait descendre, chose indispensable à l'époque pour un prétendant à cette enviable fonction. Si Jésus avait été le formidable thaumaturge que nous dépeignent les évangiles, les plus retors de ses ennemis auraient été conquis et convaincus de sa nature divine. Cette réticence tenace des contemporains de Jésus vis à vis de ses prétendus pouvoirs et les avis de certains historiens s'exprimant dans l'émission "Corpus Christie" m'ont aiguillé vers cette piste de réflexion. A partir de quand  peut-on parler de complot ? Le montage théologique flagrant des évangiles n'en est-il pas la marque indiscutable ?

3) Vous écrivez : "Quand Rogers dit que le processus de formation de l'image par la réaction de Maillard doit avoir une explication naturelle, il dit cela au détriment de la plus élémentaire logique. En ne retenant que l'action du hasard dans la formation de l'image il suggère l'intervention de la "providence" dans des proportions qui ne peuvent qu'induire l'idée du miracle."

Merci de m'expliquer ce que vient faire le hasard ou le "miracle" là dedans. Je ne comprends pas.

Je n'ai fait que partir de ce que j'ai lu sur votre site. Il y est expliqué que Rogers pensait que la formation de l'image devait avoir une explication naturelle. Vous savez pourtant mieux que moi sans doute que si les traces de sang s'imprimèrent sur le linge quand il épousait les formes du corps il n'en fut pas de même pour l'image. Elle fut "imprimée" sur un linge absolument plan. J'ai moi-même fait des essais. Ceux que j'ai fait à la saponine et à l'amidon n'ont pas marché mais je suis arrivé à un brunissement par une autre technique. Rassurez-vous ce n'est pas une nouvelle théorie personnelle mais seulement un moyen simple pour vérifier quelque chose. Je voulais voir à quel point le linge devait être plan pour que l'image soit nette. Et bien le linge doit être absolument tendu. Le moindre petit pli, le moindre petit défaut de surface affecte l'image de façon très visible. Cette constatation prouve que l'image du linceul n'a pu se former que sur un linge n'occupant pas la même position qu'au moment des empreintes de sang et que cette position était tout sauf naturelle puisque tendue à la manière d'un écran de projection ou d'une toile à peindre sur un châssis. Cela, Rogers le savait et malgré l'évidence il voulut croire au phénomène naturel. Voilà une attitude orientée tout à fait caractérisée. Cette croyance en un phénomène naturel était une impasse à sa théorie par ailleurs lumineuse. Pourquoi devant l'évidence préféra-t-il l'invraisemblance ? Sans doute parce qu'il était croyant et que, comme vous, il ne pouvait se résoudre à regarder en face les conséquences de sa découverte. Ce que je crois, c'est qu'au lieu d'accepter ces conséquences, il préféra mener sa théorie dans une impasse. Pour Rogers l'enjeux était d'importance car il risquait tout simplement de saper les fondements même de sa foi ! En déclarant qu'il croyait à un phénomène naturel et en semblant vouloir admettre qu'il était possible qu'une image orthogonale puisse s'être imprimée naturellement sur un linge déformé et chiffonné, il montrait à l'évidence la confusion dans laquelle il se trouvait et par là même sous entendait ou espérait démontrer l'action d'une sorte de hasard très, très providentiel ce qui semble bien nous ramener à une certaine idée du miracle !

Cordialement

cestavoir@free.fr